Pipi

22 juillet, 2008

J’ai eu une grande leçon de médecine, un jour, alors que j’étais externe.
Qui a probablement un peu conditionné mon amour inconditionnel de l’interrogatoire.

Je ne sais plus rien du stage, plus rien du médecin, plus rien du patient.
Mais je me souviens nettement de la conversation :

– Et à part ça, tout va bien, vous n’avez rien à signaler ?
– Non non, tout va bien.
– Pas de problèmes pour uriner ?
– Non docteur, ça va très bien.
– Vous urinez normalement ?
– Oui oui, sans problème !
– Et les urines sont normales ?
– Oh bah oui…
– Et elles sont de quelle couleur ?
– Ah, bah rouge vif, rouge porto, ça dépend…

Je me souviens qu’au fur et à mesure des questions, je me disais : « Non mais ça va, il te dit que ça va bien ! Pourquoi tu le prends pour un débile alors qu’il te dit que ça va ? Tu vas pas rester trois heures là pour savoir s’il fait bien pipi, le monsieur TE DIT QUE CA VA ! ».
Je suppose que le médecin avait de bonnes raisons, que j’ai oubliées, de pousser les choses, mais j’ai appris ce jour-là qu’il faut garder en tête l’océan qui sépare parfois les représentations du médecin et celles du patient.

Quand on dit « Vous n’avez pas de problème de tension ? », les gens répondent « Non non ! Ma tension est normale ! », alors qu’ils prennent trois médicaments différents depuis 10 ans pour parvenir à ce qu’elle le soit.
Quand on demande « Vous avez déjà été opéré ? », les gens répondent « Non ». Mais quand on précise : « Appendicite, amygdales ? », ils disent « Oh, bah oui, ça, quand même, bien sûr ! ».
Quand on demande « Vous prenez des médicaments habituellement ? », les gens répondent non. Sauf la pilule et les diantalvic et le biprofenid, mais ça, ça compte pas.

Et, ça n’a rien à voir, mais je tiens à le dire : si on dit « Couchez-vous sur le dos », ils se couchent sur le ventre.
TOUS, sans exception.
Du coup, maintenant, je dis « Allongez-vous ».

Nous zavons les moyens….

22 juillet, 2008

Classiquement, il y a deux temps dans une démarche diagnostique classique : l’interrogatoire, d’abord, et l’examen clinique, après.

Note au passage parce que la faute va finir par m’agacer encore plus que « Elle s’est faite violer » :
Un examen, c’est un examen.
Une auscultation, c’est quand on prend le stéthoscope,  et qu’on le colle quelque part pour écouter avec nos oreilles ce qui passe dans ce bout de votre corps. Donc non, le docteur ne vous a pas « ausculté l’oreille », il ne vous a pas « ausculté le pied », et il ne vous a pas parlé de votre cholestérol « la dernière fois qu’il vous a ausculté ».
Voilà, c’est dit et ça fait du bien.

J’ai toujours trouvé l’interrogatoire vachement plus important que l’examen.
Sans doute au début parce que je ne savais pas examiner, et que l’interrogatoire, c’était tout ce que je savais faire.
Alors je le faisais BIEN. Bien bien bien bien bien.
Des fois même, j’exagérais un peu.
La dame arrivait en pleine colique néphrétique, et en ressortant de son box (Note au passage : oui, on parle des « box » quand le respect de la vérité nous empêche d’appeler « chambre » le bout d’espace entre deux paravents avec un lit au milieu. Un « box », comme pour les chevaux. C’est bien ça.), je savais combien elle avait d’enfants, combien elle avait eu de fausses-couches, son métier, combien elle fumait de cigarettes par jour et depuis combien de temps, l’âge de sa grand-tante quand on lui avait diagnostiqué son cancer du sein et l’étage auquel elle habitait. Et si y avait un ascenceur.
Deux pages, front and back, de jolis antécédents bien rangés dans leurs petites cases.

J’exagérais un peu, certes.
Maintenant, j’essaie de diluer un minimum. Si, c’est important de savoir où les gens habitent et à quel étage, mais bon, c’est parfois possible de reporter un peu la question quand la dame sautille de partout rapport à son calcul qui lui fait trop mal. (Note au passage : car la colique néphrétique est frénétique, alors que la colique hépatique est pathétique. C’est joli, des fois, les moyens mnémotechniques.)

Mais n’empêche, aujourd’hui encore, quand à la fin de mon interrogatoire je n’ai pas la moindre idée de ce qui se passe, je sais que c’est mal barré pour la suite, et que, probablement, mon examen clinique ne m’apportera pas grand chose de plus.

Du coup, vous pensez bien que j’ai plein de choses à vous raconter concernant les interrogatoires.
Et ça commence tout de suite après.