Tu n'apprendras jamais, bis.
11 décembre, 2007
« Tu n’apprendras jamais, bis« , donc.
Ou « Tu la sens ma grosse b… bis« , au choix du lecteur.
Externat, stage de gastro.
– Mon chef de service : « Tiens, cet après-midi, tu devrais passer voir le type de la 18. Il a un foie métastatique très palpable, on sent super bien le bord inférieur et les métas. J’en ai parlé à Toncollègue1 et Tacollègue2, ils sont allés voir tout à l’heure, ils l’ont bien senti »
– Heuuu…..
– Quoi, « Heu » ?
– Bin c’est pas mon patient, quoi. Je m’en occupe pas.
– Oui, je vois, et quand c’est pas tes patients, ça t’intéresse pas, c’est ça ? Tu t’occupes des chambres 1 à 12 et faut pas te demander de pousser jusqu’à la 18 ?
– Bin non, mais heu… Enfin, jveux dire… Enfin, tu vois….
– Je vois quoi ?
– Non, rien, oublie, c’est compliqué.
Qu’est ce que tu vois ??
Tu vois la scène ?
Bonjour Monsieur ! Paraît que vous avez un super cancer trop génial, ça vous embête pas si je suis la troisième inconnue de la journée à surgir dans votre chambre d’agonie pour coller mes mains sur votre ventre ?
J’en ai pour deux minutes, hein, je sens votre grosse b. , je hoche la tête, je dis au revoir et vous ne me reverrez plus, ne vous inquiétez surtout pas.
Je n’y suis pas allée, mon chef m’a prise pour une tire au flanc jusqu’à la fin du stage, et je n’ai jamais plus eu l’occasion de palper un foie métastatique jusqu’à maintenant.
Reste à espérer que quand ça arrivera à un de mes patients, je sentirai qu’il y a quelque chose qui cloche au bout de mes doigts.
12 décembre, 2007 à 19 h 46 min
Comme je te comprends, c’est pas humain de défiler pour voir ze cancer. Tu as bien reagi, bravo !
13 décembre, 2007 à 11 h 42 min
C’est vrai mais d’un autre coté elle n’a jamais palpé de foi polymétastatique… elle ne saura donc peut être pas le reconnaitre dans l’avenir…
La médecine n’est pas une science que l’on apprend dans les livres: elle se touche, se palpe, se regarde et se respire.
La vérité ce situe probablement entre les deux.
Lorsque j’était interne et que je voulais « montrer » un patient particulier:
de 1 j’accompagnais mes externes en disant Bonjours Mr X (+ serrage de main (nb = observer que dans les hôpitaux très peu de médecins ou personnels soignants serrent la main au patient….)) Donc Bonjours Mr X, J’aurais voulu montrer a mes externes comment on examine tel ou tel organe. Accepter vous de vous laisser examiner par eux (ils ne m’ont jamais dis non, et ils étaient souvent contents de « servir » a quelque chose.
De 2 j’y allais en 1 foi avec tous les externes pour ne pas que se soit le défilé.
3 janvier, 2008 à 20 h 42 min
C’est vrai que toutes les fois où j’ai vu les choses bien présentées, les patients semblaient contents de « servir » à quelque chose. Ils acceptaient en souriant, avec un petit commentaire sur la jeunesse qu’elle doit bien se passer et l’apprentissage qu’il doit bien se faire.
Encore une fois, tout est question de communication.
Là, toute seule, à devoir entrer dans la chambre de ce type que je n’avais jamais vu et qui allait mourir, je ne voyais vraiment pas comment faire.
6 janvier, 2008 à 1 h 01 min
bien d’accord avec toi… la présentation des choses c’est de la responsabilité de tes ainés…
2 février, 2008 à 12 h 03 min
Pour avoir eu l’opportunite d’etre dans le cas du patient (enfin clairement pas agonisant), je ne saurais que suivre le commentaire de sel. C’est vrai que quand on essaye de ne pas hurler a chaque fois que quelqu’un viens vous faire un examen ou un autre (j’etais l’unique patiente non diabetique du service mais dextro tts les 2h quand meme… Argh…) une visite de plus pour montrer son ‘anormalite’n’est pas toujours bien recue mais bien ammene et en une seule fois c’est vraiment pas si grave… Meme non presentee par ses aines mais juste presentee gentiment, genre c’est peut etre pas la peine de te jeter sur le foie de suite, apres bonjour par exemple… ;-)
Bon en meme temps l’option « ma collegue1 ma dit que vous etiez gentille et que je pouvais vous mettre une perf pour essayer… » c’est peut etre pas completement rassurant… En plus… Aie!
6 février, 2008 à 8 h 06 min
C’est comme à peu près tout : ça se passe tellement mieux quand on explique qui on est, ce qui se passe, ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas…
Merci de ce retour depuis l’autre côté de la blouse blanche :)
14 mars, 2008 à 18 h 28 min
Allons, allons, allons.
Si on fait comme l’a si bien exposé « sel » :
1°) on ne risque rien si on est poli et qu’on demande gentiment ;
2°) si ça emmerde le patient, au moins on le saura ;
3°) s’il accepte, il sera content et toi aussi. Tout le monde y gagne, le patient se sent utile, passe un peu de temps en compagnie d’une charmante externe, et celle-ci apprend quelque chose. Et pas seulement en palpant la tumeuraufoie. Car on peut apprendre des tas de choses en parlant aux gens, c’est pas à toi qu’on va le dire, hein.
Et puis ça permet de pouvoir enfin passer un peu de temps avec un patient. Quel interne, chef ou professeur pourra jamais reprocher à un(e) jeune externe d’être allé palper la « superbe » tumeur du 18 ?
23 mars, 2008 à 18 h 10 min
Ton anecdote résume un peu ce qui m’a dégouté de l’usine hospitalière…
Reconnaissons tout de même que des chefs comme Sel existent (tant mieux pour les patients).
Reconnaissons aussi que « la nécéssité de former les gentils-futurs-médecins » ne saurit être l’ éternelle excuse servant à justifier la déshumanisation des CHU…
Touchant et pertinant , bravo, c’est rassuarnt de te lire!
15 décembre, 2010 à 20 h 28 min
bravo c’est vous qui avez raison
14 septembre, 2011 à 23 h 39 min
Ok pour l’apprentissage, mais mon expérience de patiente hospitalisée (belle pneumopathie + asthme) dit qu’il y a des limites.
Le petit externe (qui de présente et qui explique) qui fait toute une auscultation, signes d’AVC et signes neuros compris, pas de soucis.
Le couillon d’externe un peu plus vieux qui vient pour s’entraîner pour les gaz du sang, et qui découvre son matos devant moi, je dis niet !
Bon… J’ai été sympa, j’ai laissé faire (bonne poire), mais je lui ai fait remarqué que pour pas faire flipper les patients qui savent que les gaz du sang c’est douloureux, il ferait mieux de découvrir le matériel avant de rentrer dans la chambre !
Au final, 3 essais par poignet, par un externe puis un interne, et jamais eu de sang artériel…
22 septembre, 2011 à 15 h 48 min
Et personne ne se demande si le patient qui est a l’hôpital sans doute pour une bonne raison a envie ou plutôt besoin de se reposer ? Non parce que le rythme d’hôpital merci ! Alors si pendant les rares moments de calme, c’est le défilé dans la chambre pour des raisons pas toujours médicalement pertinente (et j’entends par là, appropriée au cas précis du patient dans une démarche de soin), je trouve personnellement que c’est inadmissible.
Ouais le confort, c’est « que » du confort, en même temps quand on a mal, quand on a peur, quand on est au bout du rouleau de fatigue et que parfois on est en train de mourir, le confort c’est aussi ce qui permet d’aller mieux, ou de se sentir mieux.
Évidement, il faut apprendre, mais il ne faut pas apprendre n’importe comment et au détriment du patient. La médecine oublie t’elle qu’elle est au service du patient et non que le patient est à son service ?
9 octobre, 2011 à 22 h 41 min
un commentaire 4 ans après, ça le fait pas mais je le fais quand même.
c’est que je connais ton blog depuis peu alors…
donc pour moi ça a été pire mon stage en gastro.
« va à la chambre 4 lui faire un TR!!!! »
je m’execute.
je reviens dans le bureau des médecins et ils se marrent tous.
parce que:
1) le patient était un curé
2) il avait un superbe cancer rectal.
trop drole.
ce jour là, j’ai réalisé qu’on pouvait avoir 12 ans d’études à son actif et n’être que des crétins. des crétins en blouse blanche.
Milène
18 novembre, 2011 à 10 h 12 min
et bien Milene, ils en tenaient une sacrée couche ce jour là les gastros de ton service!
15 février, 2013 à 20 h 16 min
Quand j’ai accouché de ma fille ainée en 1995, elle présentait une maladie génétique (on ignorait encore laquelle à ce moment-là). J’ai vu plusieurs blouses blanches entrer, sans un bonjour, examiner ma fille dans tous les sens, la reposer, et sortir. C’était vraiment inhumain, en gros en venait voir l’animal de foire ! Un jour, on l’a même prise en photo, c’était l’apothéose…
Desespérée, je raconte ça à mon père, il me répond : « tu as un cas de la science, il faut que tu aides les médecins ».
Ce fut un combat long et douloureux avec tous les médecins que j’ai rencontrés, et dans le tas, il n’y en a eu qu’une d’humaine.
Alors merci Jaddo de te soucier ainsi des patients.
Ah et aussi, je ne parle plus à mon père (mais pas que pour ça…)
19 mai, 2013 à 13 h 38 min
Même genre de situation :
« Vas voir la patiente au box 3, elle a un ictère de folie, elle est jaune banane ! »
« Euh oui mais… il faut lui apporter qqchose/elle a sonné/j’ai une raison médicale d’aller dans sa chambre ? »
» T’es vraiment paresseuse, t’apprendras jamais »
J’y suis allée, j’ai eu honte.
26 décembre, 2013 à 18 h 19 min
[…] En général, ceux-ci se prêtaient volontiers à l’exercice (tout du moins quand la situation le permettait ou quand ils étaient prévenus), et se laissaient examiner une Xième fois par un petit groupe de […]
4 février, 2015 à 11 h 57 min
un truc trop rigolo dans le sens inverse:
en pédiatrie service nourrissons, l’externe était chargé de mesurer les nouveaux nés. Sans doute pour lui donner un rôle qui lui permettait l’accès aux bébés.
Sauf que moi, je n’aimais pas car j’avais toujours l’impression de déranger: réveiller le bébé qui dort, pour le faire hurler,alors qu’il avait eu d’autres trop nombreuses raisons d’être réveillé, je ne trouvais pas ça cool, interrompre les câlins parents enfants, je ne trouvais pas ça légitime …
Sauf qu’un jour, j’entends dans le couloir des parents râler » parce que leur enfant n’avait pas ENCORE été mesuré » !!!
La mère était AS et semble t il ravie de dauber sur l’externe qui n’en foutait pas une….
6 février, 2015 à 20 h 35 min
Merci d’être humaine ! Ma grand-mère est décédée d’un cancer l’été dernier. Le pire, en dehors de sa souffrance, c’était l’absence d’humanité avec laquelle elle a été traitée.
27 septembre, 2015 à 12 h 01 min
Voilà, moi aussi je me pose tellement de questions. J’ai lu beaucoup de blog et je remarque que tous ceux qui tiennent un journal en ligne partagent un point commun. Ils sont humain, profondément humain et éthiques.
Maintenant, en lisant les commentaires ci-dessus, on comprend qu’il n’y a pas une règle pour ces situations mais un comportement unique à chaque situation. En effet, un patient peut aussi être très content de pouvoir être utile mais peut aussi vouloir que l’on respecte son intimité et sa dignité !