Le poinçonneur des Lilas
31 mars, 2011
1) Je m’occupe de Coralie depuis le début de mon remplacement chez le Docteur Carotte. Quelques années, donc.
J’aime bien Coralie. Elle est souriante, agréable, courageuse.
Elle est en bonne santé. Elle a seulement un problème sur lequel on s’est penchées pendant plusieurs consultations : des règles hyper douloureuses. Ça dure une demie-journée, parfois une entière, toujours le 2ème jour des saignements. Elle a super mal, elle vomit, elle transpire. Et puis ça passe. Ce n’est pas non plus une partie de plaisir les autres jours, mais c’est assez supportable pour mener une vie normale et sortir du lit.
On n’a pas trouvé de maladie sous-jacente, pas de signes d’endométriose, rien. Du bon utérus de compet.
La pilule, pour une fois, n’a pas vraiment arrangé les choses. Les anti-douleurs la soulagent partiellement. Reste un jour par mois, pas tout le temps, tous les deux ou trois mois, où vraiment elle morfle. Elle fait avec.
Je l’ai trouvée dans ma salle d’attente un vendredi après-midi, avec la gueule de quelqu’un qui vient de passer 3 heures assise dans le bruit et dans les microbes en ayant super mal et envie de vomir et envie de s’allonger.
« C’est le deuxième jour de mes règles », elle a dit.
Je l’ai examinée, c’était comme les autres fois. Un ventre souple, de bonnes constantes, juste super mal.
Les médicaments, elle en avait encore et elle les avait pris comme il faut.
Mais elle n’avait pas pu aller au boulot, et il lui fallait un arrêt de travail. Juste pour aujourd’hui, elle savait que demain ça irait mieux.
Ça s’est passé comme ça 3 ou 4 fois dans l’année. On en profitait pour discuter un peu, pour compléter le dossier, pour prendre des nouvelles du bébé. Je ne crachais pas dessus ; c’était des consultations reposantes, qui me faisaient rattraper un peu de temps quand j’étais en retard, et ce n’était pas les 22 euros les plus durement gagnés de ma vie. Mais bon, au bout d’un moment, le dossier d’une femme de 32 ans en bonne santé, même avec les antécédents familiaux sur trois générations, ça se complète.
Depuis quelques mois, elle m’appelle. Je lui fais un arrêt de travail de 24h après l’avoir eue au téléphone. Elle passe le prendre le lendemain sur sa pause de midi au boulot.
2) Tout à l’heure, j’ai vu M. Diarrhée. M Diarrhée a vu le Docteur Cerise en début de semaine pour son fils qui va dans une crèche où les trois-quart des gamins ont eu des diarrhées et qui, surprise, a eu des diarrhées aussi. Et M Diarrhée a eu des diarrhées à son tour.
Je l’examine, il va bien. Un ventre souple, de bonnes constantes, juste des diarrhées.
Je lui demande s’il a pris des médicaments.
Oui, il a pris des anti-diarrhées, vu que le Docteur Cerise avait senti le coup venir, et avait prescrit en début de semaine des anti-diarrhées-pour-adultes aux deux parents du bébé diarrhéique, au cas où.
Mais il a dû quitter le boulot à 11h ce matin, et il lui faut un arrêt de travail.
3) Hier, j’ai eu ma sœur au téléphone. Son fils avait une gastro, elle croyait qu’elle avait encore des médocs mais sa fille a tout bouffé lors de sa dernière gastro à elle. Son médecin était absent, les deux autres médecins du coin étaient complets, son gamin lui vomissait dessus avec toute la fougue d’un enfant de son âge, et la pharmacienne bien désolée ne pouvait pas lui filer son traitement habituel sans ordonnance.
« Je vais quand même pas l’emmener aux urgences pour une gastro ! », qu’elle a dit, ma sœur.
J’ai convenu que ce serait ballot. On a bricolé un truc à base d’Iphone, de scanner, de mail et d’imprimante.
4) Quand j’étais petite, à la maison, il y avait des règles que j’aimais bien.
Celle de la sonnette d’alarme, et d’autres qui mériteraient à mon avis un article à part entière même si c’est à la frontière de la médecine, tellement c’est de la santé publique. Bref.
A partir de mes 12-13 ans, une règle s’est ajoutée à la liste : « Droit à un faux par an. »
Dans une vie où je n’avais jamais réussi à extorquer à ma mère le moindre mot-d’excuse-des-parents de complaisance, même si j’avais pas fait mes devoirs, même si je jouais hyper bien la fille qui a trop mal au ventre, même si on devait partir en vacances et qu’un jour de plus aurait arrangé tout le monde.
Une fois par an, pour un jour, le jour de mon choix, je pouvais demander un faux mot-d’excuse à ma mère. Je pouvais me planifier une journée DVD-bonbons, je pouvais la prévoir à l’avance ou à l’arrache, j’en faisais ce que je voulais. (Bon, ça comptait pas s’il y avait un examen ou un truc important, quand même.)
C’était ma journée, et c’était une fois par an. J’en étais responsable.
J’ai de très intenses souvenirs des soirées de jeux-de-rôle de la grande sœur, quand j’assistais émerveillée à la partie d’ AD&D, qu’il fallait aller se coucher tôt parce que demain y avait école, que là, non, là vraiment non j’avais trop envie de rester et que je finissais par lever le poing en criant : « Je prends ma journée !!! »
Et bin j’ai jamais séché les cours plus d’un jour par an, même grande, même au lycée. Quand l’envie me prenait, je savais que j’avais mon jour, j’y réfléchissais, et puis si ça valait pas le coup je reportais.
Redoutable d’efficacité.
Je rêve d’un monde où on prendrait les adultes pour des gens responsables, et où on ne les enverrait pas plusieurs heures dans une salle d’attente juste pour avoir le passe-droit du médecin.
Parce que le type qui vient me voir en disant « Depuis hier soir j’ai fait 40 passages aux toilettes, j’ai pas dormi de la nuit, je suis pas allé bosser » , figurez-vous que j’attends pas qu’il me vomisse dessus pour lui faire son arrêt de travail.
Au risque de décevoir, je n’ai ni détecteur de mensonges ni scanner au bout des doigts.
Mon arrêt de travail, c’est juste qu’au lieu de « Patron, j’ai une gastro, je peux pas venir bosser », je dis : « Cher Patron de M Diarrhée, M Diarrhée me dit qu’il a une gastro et qu’il a pas pu aller bosser. »
Pendant que je rêve de ce monde là, j’ai cru voir passer une loi parlant de suppression des allocs en cas d’absences scolaires non justifiées, mes patients se tordent dans la salle d’attente pour avoir mon sésame, et la sécu pleure des larmes de sang.
Alors oui, je sais, machin, abus, confiance, absentéisme tout ça.
Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse facile, mais j’imagine…
J’imagine des « certificats d’aptitude parentale » qui permettraient de certifier que Mme Machin et ses neurones sont aptes à décider de se faire délivrer du Tiorfan et du Vogalène pour le petit, dans la limite de x boîtes par an.
Des certificats de « dysménorrhées chroniques », qui autoriseraient la patiente à poser d’elle-même un jour de congé, dans la limite de 1 jour par mois et de x jours par an.
Des certificats qui diraient « M. Machin est un grand garçon pas flemmard, travailleur, qui a le droit d’avoir une gastro deux fois dans l’année, bisous. »
La caisse ! #PPCS > Hey merde #Diag
4 mars, 2011
Il est 18h45.
Je suis à deux doigts d’écrire sur Twitter : « Ahahah trop peinard, je vais rentrer chez moi à 19h. #RicanementsOrgasmiques »
Et puis je me dis que ce serait sans doute pas fabuleusement constructif, comme tweet, alors je n’envoie pas.
Journée cool, des rendez-vous l’après-midi sans surcharge, avec des annulations de dernière minute qui transforme le « A l’aise » en « Super cool ».
Je reste donc sur mon tweet de l’avant-dernier patient que j’ai failli oublier de faire payer : « #Tip Venez me voir sur ma dernière demi-heure de boulot. Je suis détendue, je prends le temps et j’oublie de faire payer à chaque fois. »
J’accueille mon dernier patient. Je lui présente mes excuses pour les 15 minutes de retard. Il me sourit, il me dit c’est rien.
Je me souviens de lui, même si je ne l’ai pas vu souvent. Toujours le soir. Il était venu me parler de ses angoisses, on avait déjà passé plusieurs fins-de-soirée-tranquilles-y-a-personne-derrière-on-a-le-temps à les décortiquer.
Il vient pour un problème somatique, cette fois, qu’il commence à me raconter.
Ça sonne à l’interphone.
Je n’attends plus de patients, je suis sur rendez-vous, mais j’ouvre. Peut-être quelqu’un qui ne sait pas que je suis sur rendez-vous. Peut-être quelqu’un que je viens de voir et qui me ramène l’ordonnance (Vous avez oublié de mettre « pour 3 mois » Docteur…), ou peut-être une urgence, comme la semaine dernière.
Enfin j’ouvre, quoi. Ça sonne, j’appuie sur le bouton qui ouvre. C’est Pavlovien.
Je dis à mon patient : « Excusez moi, je vous abandonne une minute, je n’attends plus personne, je vais voir qui c’est« .
Il me sourit, il me dit c’est rien.
J’ouvre la porte qui sépare le cabinet et le couloir.
Y a deux types. Plus grands que moi, un à droite, un à gauche. Ils sont habillés tout en noir, ils ont deux casques de moto sur la tête. Tout fermés, tout noirs, je ne vois pas leur visage, et ils ne disent rien.
J’ai reculé d’un demi-pas et ma bouche a dit « Ouh, vous me faites peur. »
A ce moment là, j’y croyais encore à moitié, que j’étais en train de leur dire gentiment « Ahahah mais enfin, faut pas sonner chez les gens comme ça avec des casques de moto, c’est un coup à leur faire peur » .
Et puis celui de droite a dit « La caisse. »
Enfin je crois, je ne sais plus trop bien ce qui s’est passé dans les 30 ou 40 secondes qui ont suivi.
Est-ce qu’il a dit « La caisse » avant que j’aille me rasseoir, est-ce que j’ai reculé toute seule, est-ce qu’il a dit autre chose, à quel moment ai-je vu le flingue… Dur à dire.
Je me suis retrouvé assise avec les mains en l’air comme les gars dans Top Chef qui doivent s’arrêter parce que TOP le chrono est fini, avec l’idée en tête qu’ils voulaient la caisse. Les détails sont flous.
Je suis très raisonnable, dans ces cas-là.
Enfin je dis « Je suis très raisonnable dans ces cas-là » comme si ça m’arrivait tous les quatre matins…
Non. Je me suis toujours dit « Si ça m’arrivait, je serais raisonnable, je donnerais tout sans broncher tant que nous pouvons rentrer moi et mon vagin en bonne santé à la maison. » Genre « Oh, et je peux vous signer un chèque si vous voulez ? Et attendez, j’ai une jolie montre au fond de mon sac, bougez pas… »
Je ne l’avais jamais mis à l’épreuve avant ce soir.
Bin figurez-vous que j’ai été super raisonnable.
Hyper stoïque, même. D’un calme olympien qui m’étonne encore à l’heure où je tape ces mots.
Comprenons-nous bien. Pas « Je fais style genre je suis calme alors que j’ai envie de me chier dessus à l’intérieur. » En vrai, hyper calme, rien dans le ventre ; que de la tranquillité. Passées les premières secondes d’hébétude où on réalise que c’est vraiment en train d’arriver.
Super calme.
Ils ont demandé la caisse, j’y ai donné la caisse.
Ils ont demandé ma carte bleue, j’y ai donné ma carte bleue. La perso, celle où j’ai moins de sous dessus que la pro (maligne comme un singe que je suis). Même pas essayé de refiler la périmée que je gardais dans mon portefeuille au cas où.
Ils ont demandé le code, j’y ai donné le code. Le vrai, sans broncher.
Monsieur n°1 (celui avec la lacrymo) est parti avec ma carte.
Monsieur n°2 (celui avec le flingue) est resté avec mon patient et moi.
Il a pris les sous de mon patient. Pas son chéquier, pas sa carte bleue qui étaient pourtant en évidence. J’ai réprimé l’envie de dire « Hey maiheu mais pourquoi vous prenez ma carte et pas la sienne ? C’est pas juste ! » : je suis carrément un super médecin.
Monsieur n°2 essayait de garder son calme, et je ne dis pas ça pour me balancer des fleurs mais il y arrivait beaucoup moins bien que moi.
Il a dit une fois ou deux que si on bougeait « il nous trouait ».
J’avais bien vu (ou cru voir ?) entre temps que son flingue était en plastique que même mon neveu de 4 ans il en aurait voulu un plus crédible.
Figurez-vous que j’ai quand même pas tenté le coup de « Tu bluffes Martoni ».
Il a demandé « Il est pas là le médecin de d’habitude ? »
J’ai dit que bah non, pas de bol, aujourd’hui c’était moi. J’ai ajouté « C’est mon jour de chance » dans un élan de bêtise.
Il s’est tourné vers mon patient, il a dit cette phrase, la seule que je regrette, la seule que je voudrais changer si une fée sortait ce soir d’un buisson en me disant que j’ai le droit de changer un seul truc à ma soirée de ce soir, il a dit à mon patient : « Et toi, on t’a jamais dit qu’il faut jamais aller chez le médecin après 18h ? »
Genre mais c’est bien connu, passé 18h on peut se faire braquer dans tous les cabinets médicaux de France et de Navarre. Merci pour la phrase, les gars, ça va me permettre de retourner bosser sereinement les prochaines semaines…
Là, j’ai dit le deuxième truc que je changerais si la fée patati-patata… , j’ai dit : « Et moi je fais quoi ? Je change de métier ? »
Il a dit « Ouais. »
J’ai dit « Ok. » (c’était fini, les élans de bravoure)
Il a essayé de nous attacher les mains avec les espèces de trucs en plastique flexibles avec un cran d’arrêt qu’on fixe à l’endroit où on veut.
Juy ai dit que c’était ridicule, qu’il voyait bien qu’on était super sages et qu’on faisait tout ce qu’il voulait.
Il a quand même essayé de lier les poignets de mon patient.
Il tremblait un peu, et il a pas réussi. Il a clipsé le truc-qui-clipse beaucoup trop tôt, ça faisait une espèce de rond ridicule de 20 cm de diamètre qui pouvait pas lier les poignets de qui que ce soit. Il a dit « J’y arrive pas », avec son flingue en plastique.
On pourrait croire que ça aurait été le bon moment pour réagir un peu, ou pour planquer mon Iphone, mais nan, je suis restée bien sagement sur ma chaise avec les mains bien à plat sur le bureau.
Il m’a demandé « éhé ». J’ai dit « quoi ?? » . Il a répété « éhé !! » J’ai dit « Heuuu vous voulez que je sorte les pieds de sous le bureau ?? Heu, ok. » et j’ai sorti les pieds de sous le bureau.
Il a dit « NON ! LÉHÉS ! Pour fermer le bureau, là, pour fermer la porte. »
Je lui ai donné les clés. Il a dit qu’il partirait, qu’il fermerait et qu’il laisserait les clés dehors et que je pourrai les récupérer après.
J’ai demandé comment je pouvais récupérer les clés si il m’enfermait à l’intérieur, il a eu l’air de réfléchir à la question.
Monsieur n°1 tardait à revenir. N°2 m’a dit que j’avais intérêt à avoir donné le bon code. Je me suis bénie intérieurement d’avoir donné le bon code.
Il m’a répété que j’avais intérêt à avoir donné le bon code, sinon « il nous trouait tous ».
J’ai dit que j’avais donné le bon code, que peut-être il essayait de tirer plus que ce qu’il y avait sur mon compte, que dans ces cas-là forcément, mais que j’avais donné le bon code.
Il m’a demandé de le noter sur papier.
Je l’ai noté sur un papier.
Monsieur n°1 est revenu. M2 lui a demandé combien il avait eu, M1 a dit « Ça va, ça va, assez » (merci à ma banque et à son autorisation de découvert)
M2 a posé ma CB sur le bureau (heu, merci tout court)
Ils ont redit quelques menaces que j’ai oubliées (merci à mon cerveau et à sa mémoire sélective)
Ils allaient partir. M2 a vu mon Iphone que conne-comme-je-suis je n’avais pas planqué et l’a empoigné.
J’ai supplié. J’ai dit que non, vraiment, non, mon IPhone c’était pas possible. Que j’avais des trucs trop importants dedans, des trucs professionnels, des trucs dont j’avais besoin.
Il a dit « Tu le veux pour la puce ? » et moi, dans mes neurones qui ne savaient plus ce qu’il y avait dans la puce et ce qu’il y avait dans la mémoire-même du téléphone, j’ai dit « Heuuu je veux pour ce qu’il y a dedans »
Alors il l’a jeté par terre. L’est tout fracassé, mon Iphone. Je vous ferais bien une photo si j’avais mon Iphone pour prendre la photo de mon Iphone, mais vous m’accorderez que c’est compliqué.
Je sais pas. Les flics plus tard ont pas compris. Quitte à le casser, autant le prendre, ils disaient. Et moi j’avais dit « Merci » pendant qu’ils fracassaient mon Iphone par terre.
Voilà, mes braqueurs, avec leur flingue en plastique, avec leurs tremblements, avec leur « je te rends ta CB et j’essaie de te rendre tes clés », je crois que c’était pas des méchants-qui-ont-bourlingué. C’était des nouveaux-méchants-on-est-un-peu-perdus-mais-on-essaie-fort.
C’était « Ok, tu m’as attendri avec ton besoin viscéral de ton Iphone, mais je vais le casser QUAND MÊME pour que tu voies bien que c’est moi le chef. »
Ok, ça me va.
Ils sont partis.
J’ai éclaté en sanglots, devant mon patient un peu surpris visiblement de la fracture entre mon stoïcisme précédent et les hululements actuels. Jui ai dit que c’était pas grave, que j’étais une fille, que les filles ça pleure, que ça allait.
Il m’a tendu la main. Je l’ai prise.
Là, et putain je me demande ce qu’il y a dans mon cerveau mal-foutu, là, j’avais une idée en tête : finir ma consultation.
J’ai dit qu’on allait finir, qu’on allait appeler la police, qu’on allait appeler le Dr Carotte.
Et puis on a attendu. Parce qu’on ne savait pas trop bien quoi faire d’autre.
Pendant qu’on a attendu, et putain je me demande ce qu’il y a dans mon cerveau mal-foutu, j’ai twitté : « Salut, je viens de me faire braquer, bisous ! ».
On a attendu, on dit quelques phrases inutiles, on a gardé la bouche ouverte et le silence un moment.
Pis j’ai dit « Non mais en fait non, je suis vraiment désolée, mais on va pas finir la consult’, là, je vais pas y arriver. Visiblement y a pas d’urgence, vu ce que vous m’avez dit, vous reviendrez à l’occasion mais là je vais pas pouvoir. »
J’ai appelé le Dr Carotte, j’ai appelé le Dr Cerise pour lui dire que je pourrai sans doute pas aller bosser demain, j’ai pris le numéro de téléphone de mon patient, mon patient est parti par la fenêtre, je me suis sentie désolée pour cette consultation qui n’allait probablement pas contribuer à améliorer ses angoisses, j’ai appelé les flics.
Les flics sont arrivés. Ils sont entrés par la fenêtre. Je vous passe le moment d’incertitude entre quand ça a frappé à la fenêtre et quand j’ai entendu « Madame ! Police ! » .
J’ai ouvert la fenêtre et ma bouche a dit « Oh ça va oh c’est vraiment la police » .
J’ai repleuré un coup, en disant pardon, pardon, ça va passer.
Après comme dans les films, on a pris des photos, on m’a demandé 15 fois de répéter 15 fois la même chose, on a pris mes empreintes.
J’ai demandé si du coup je ne pouvais plus tuer quelqu’un rapport qu’ils avaient mes empreintes, ils ont dit que non, ce serait détruit après l’enquête. Une petite folle hystérique attardée au fond de moi a été déçue.
Pendant ce temps, j’ai appelé ma sœur, j’ai appelé ma mère, j’ai appelé mon meilleur ami, j’ai appelé ma banque, j’ai eu 150 messages de soutien sur Twitter.
Demain, je dois aller au commissariat pour re-porter plainte.
Mon ventre va bien.
Ma tête se demande si mon ventre ira bien la semaine prochaine à 18h.
Ma tête craint qu’il n’y ait pas beaucoup de messages rationnels pour la rassurer. Non, ce n’est pas un hasard ; non, ça ne peut pas forcément ne plus arriver ; oui, le message « Y a un Docteur hyper docile qui donne son n° de CB, et puis jolie avec des bottes toute seule à partir de 19h » peut circuler.
On va voir.
En attendant, j’ai des choses à faire, des parents à rassurer, et à m’occuper de moi.
Même s’ils avaient un flingue en plastique et qu’ils étaient pas fichus d’attacher des poignets correctement.