Nous zavons les moyens….
22 juillet, 2008
Classiquement, il y a deux temps dans une démarche diagnostique classique : l’interrogatoire, d’abord, et l’examen clinique, après.
Note au passage parce que la faute va finir par m’agacer encore plus que « Elle s’est faite violer » :
Un examen, c’est un examen.
Une auscultation, c’est quand on prend le stéthoscope, et qu’on le colle quelque part pour écouter avec nos oreilles ce qui passe dans ce bout de votre corps. Donc non, le docteur ne vous a pas « ausculté l’oreille », il ne vous a pas « ausculté le pied », et il ne vous a pas parlé de votre cholestérol « la dernière fois qu’il vous a ausculté ».
Voilà, c’est dit et ça fait du bien.
J’ai toujours trouvé l’interrogatoire vachement plus important que l’examen.
Sans doute au début parce que je ne savais pas examiner, et que l’interrogatoire, c’était tout ce que je savais faire.
Alors je le faisais BIEN. Bien bien bien bien bien.
Des fois même, j’exagérais un peu.
La dame arrivait en pleine colique néphrétique, et en ressortant de son box (Note au passage : oui, on parle des « box » quand le respect de la vérité nous empêche d’appeler « chambre » le bout d’espace entre deux paravents avec un lit au milieu. Un « box », comme pour les chevaux. C’est bien ça.), je savais combien elle avait d’enfants, combien elle avait eu de fausses-couches, son métier, combien elle fumait de cigarettes par jour et depuis combien de temps, l’âge de sa grand-tante quand on lui avait diagnostiqué son cancer du sein et l’étage auquel elle habitait. Et si y avait un ascenceur.
Deux pages, front and back, de jolis antécédents bien rangés dans leurs petites cases.
J’exagérais un peu, certes.
Maintenant, j’essaie de diluer un minimum. Si, c’est important de savoir où les gens habitent et à quel étage, mais bon, c’est parfois possible de reporter un peu la question quand la dame sautille de partout rapport à son calcul qui lui fait trop mal. (Note au passage : car la colique néphrétique est frénétique, alors que la colique hépatique est pathétique. C’est joli, des fois, les moyens mnémotechniques.)
Mais n’empêche, aujourd’hui encore, quand à la fin de mon interrogatoire je n’ai pas la moindre idée de ce qui se passe, je sais que c’est mal barré pour la suite, et que, probablement, mon examen clinique ne m’apportera pas grand chose de plus.
Du coup, vous pensez bien que j’ai plein de choses à vous raconter concernant les interrogatoires.
Et ça commence tout de suite après.
23 juillet, 2008 à 14 h 03 min
Je ne suis pas du tout d’accord chère ainée, la colique hépatique est *apathique*.
Un de mes vieux profs disait que le 90% du diagnostic doit être fait lors de l’interrogatoire. L’examen ne doit servir qu’à rechercher les arguments qui affirment ce diagnostic ou le rejettent.
Je croyais que c’était un dicton de vieux prof, mais je me rends compte en discutant avec mes collègues qu’on
23 juillet, 2008 à 14 h 07 min
… je disais donc:
qu’on a rarement insisté autant sur l’importance capitale de l’interrogatoire dans leurs facs.
En vrai, l’adage de mon vieux prof se vérifie souvent. Et je suis bien d’accord sur le fait que si on n’a pas de piste à l’interrogatoire, « c’est mal barré »!
23 juillet, 2008 à 17 h 52 min
1) Chouette alors : 3 posts d’un coup !
2) Ton histoire d’ascenseur me fait rire parce que justement, aujourd’hui, j’ai été confrontée à un problème rédactionnel :
Résumer avec le moins de mots possibles que ma patiente « habite au 4ème étage, avec ascenseur, mais que l’ascenseur, il ne s’arrête qu’aux étages pairs, et que du coup, elle monte jusqu’au 5ème avec, et en suite, elle descend un étage à pieds » ???
(Si si, c’est important, elle s’est cassé le col du fémur…)
23 juillet, 2008 à 20 h 24 min
Merci pour ma dose de jaddo !
Excellent, moi aussi j’étais une super interrogationneuse quand j’étais externe, c’était hyper hiérarchisé sur ma belle feuille : antécédents chirurgicaux, médicaux, familiaux, et pour les femmes, la case gynéco en dernier.
J’ai fait le coup 2 fois : chir = hystérectomie, med= blabla, fam= blabla, gynéco= « et votre moyen de contraception ? » « bah, je viens de vous dire que j’ai plus d’utérus !! »
Huummm, hummmm et c’est pas le pire…
23 juillet, 2008 à 22 h 20 min
> Jeep : elle est pathétique si je veux :-( C’est plus joli d’abord ! Et ton vieux prof est un sage.
> Agc : je compte justement parler sous peu du problème de traduction entre ce que les gens disent et ce qu’on peut en bon professionnel écrire dans un dossier médical ;)
> Doclili : ahah, je l’ai fait aussi ^^
24 juillet, 2008 à 0 h 22 min
J’ai toujours entendu mon père généraliste dire « pathétique » aussi. Mais bon, moi je ne suis toubib ni de près ni de loin alors c’que j’en dis… La colique hépatique, je ne sais même pas à quoi ça ressemble.
(la colique néphrétique si, et effectivement c’est frénétique)
10 août, 2008 à 9 h 30 min
« L’alcoolique hépatique » ??? …
J’ai pas bien compris…
:-)
10 août, 2008 à 9 h 31 min
« Méta » en bas à droite, c’est d’un goût plus que douteux …
;-)
7 octobre, 2011 à 0 h 19 min
Vous rajoutez avec vos anathèmes sur la correction de langage en milieu médical. On appelle ça le génie populaire : vous voyez une faute là où simplement les gens qui ont encore un peu de bon sens transforme naturellement en poésie une partie de la misère de notre temps.
Je vais en consultation, non pas pour parfaire ou remettre en état avec outils appropriés et termes propres tel ou tel organe de ma petite machine corporelle à produire de la « croissance », de l' »histoire », des « sensations fortes », de l' »amour » ou quoi ou quès; mais pour qu’un autre humain, et des plus supers socialement, et finalement à peu de frais, écoute mon pied, ou encore mieux mon oreille…
Et comme ça, de manière très courtoise, car c’est fort courtois de sincèrement tenir pour rien les merveilles que l’on distribue, tout l’absurde de ce monde se transmet à nous, esclate à nos yeux mornes, sans grands boucans, banal et joli, anodin, et très très vérifiable dans nos chers livres.
Pas de prosélytisme, de conversion à la dure ou de domination. Comprenne qui peut, et tant pis pour les autres.
Après c’est vrai que c’est quand même un peu con, parce qu’avec la bande de coquins qui nous entoure, la courtoisie paye plus en retour ce qu’elle devrait.
10 octobre, 2011 à 19 h 21 min
Vi, tout ça pour dire qu’en fait je vous estime. J’ai fait un peu la même à atoute alors que j’ai de l’admiration pour ce que fait le docteur Dupagne et qu’en plus j’en ai largement bénéficié.
Ca venait plus d’une erreur et d’une volonté d’erreur qu’autre chose.
Z’avez de la gouache, un côté obscur et des tâches de rousseur, des couettes et des convictions, beaucoup de talent, beaucoup de lucidité mais pas de cynisme, une poitrine formidable, un diplôme en médecine générale et un compte wow.
Z’êtes donc merveilleuse, je vous prie d’agréer mes respectueuses et sincères salutations, et comme 82% des garçons qui écrivent ici, je rêve de vous rencontrer.
Salut à Makhnovitch, aussi.
3 janvier, 2016 à 15 h 38 min
J’apprécie les mots, et ils sont souvent bons, ici. Mais par pitié, attention de ne pas rester prisonniers des douteuses habitudes de notre langage:
– Elle s’est faite photographier: elle est allée chez le photographe pour lui demander une belle photo.
– Elle a été photographiée: quelqu’un l’a prise en photo.
Vouliez-vous vraiment et uniquement corriger le « e » dans cette incroyable expression: « Elle s’est faite violer »??!
Désolé pour le ton « docte » de ce commentaire. Mais ces expressions douteuses reflètent le chemin bien long qu’il nous reste a parcourir dans ce domaine précis…
4 janvier, 2016 à 15 h 06 min
Non. Je voulais corriger tous les e après « fait + infinitif ». Elle s’est fait photographier, pas faite.
Et je suis d’accord avec vous sur la nuance de sens entre les deux expressions.