Le syndrome de glissement?? Attendez, je savonne la pente…
7 octobre, 2007
Elle s’est cassé le col du fémur.
Elle est tombée, toute seule chez elle, et elle est restée quelques heures par terre, toute seule, trop loin de son téléphone, avec seulement la peur au ventre et l’espoir que quelqu’un arrive vite. Ce n’est pas du sentimentalisme, c’est comme ça que ça se passe, tous les jours.
Au bloc opératoire, on l’installe sur une table, couchée sur le côté, à cheval sur une espèce de grosse bite en plastique blanc qui va permettre de mettre sa jambe dans la bonne position pour l’opération.
Elle est complètement nue, les jambes écartées, dans l’indifférence générale des dix ou douze personnes qui vont et viennent dans la pièce, et dont les yeux médicaux sont tellement habitués à la nudité qu’ils ne la voient plus.
Elle, elle n’est pas habituée.
Elle est à un drap de la dignité, elle est à moitié sur sa bite blanche et à moitié sur son Alzheimer, elle hésite, et la prochaine demi-heure va lui sembler très longue.
J’ai été admise au bloc, exceptionnellement, en tant qu’étudiante, en tant qu’observatrice, pour voir l’opération. Je suis en deuxième année, je ne sers à rien, j’encombre un peu, je suis posée dans un coin de la pièce. A quelques mètres de l’armoire pleine de draps.
Il suffirait de quelques gestes et de quelques mètres pour que j’aille couvrir la dame.
Je sais que ce serait, au mieux, un geste dérisoire sous l’oeil goguenard de la foule, au pire, un accident diplomatique qu’on rapporterait au chef de service. Je reste clouée sur place, en me répétant : « N’oublie pas. N’oublie pas. N’oublie pas ».
Des années plus tard, parfois, je me surprends à avoir un peu oublié.
Je crois que j’ai fait des choses du même goût, parfois, rarement, la fatigue et les années et l’habitude aidant.
J’essaie de me souvenir.
21 novembre, 2007 à 23 h 25 min
pas tout à fait les mêmes circonstances mais … il y a 3 ans, angor instable … hospitalisation … coronarographie dans un grand hôpital parisien … un chef de service charmant … qui me laisse sur un brancard en attente avec plein de gens qui passent, ma b… à l’air … rien pour cacher … je suis médecin mais quand même, ‘on n’est pas des boeufs »
24 novembre, 2007 à 21 h 34 min
Il y a tellement, TELLEMENT d’expériences similaires, tous les jours, à l’hôpital… Et l’énergie à fournir pour que cela cesse serait tellement dérisoire ! C’est consternant. Quelques draps…
Il faudrait faire un livre, avec un recueil de témoignages. Ca finirait peut-être par germer doucement dans les crânes…
17 mai, 2008 à 18 h 35 min
Bonsoir,
Et pourquoi, pourquoi donc, dans le service de mammographie, ne ferment-ils jamais les portes ? Il faudra que j’ose leur demander un jour…
16 juin, 2010 à 21 h 45 min
[…] longues heures sur un brancard. Seul. Sans plus savoir où il était, pourquoi, comment. Mutique. Perdu. A côté, une jeune fille en probable colique néphrétique (frénétique, donc) pleure […]
19 octobre, 2010 à 17 h 47 min
Dans le même ordre d’idée : fermer la porte du bloc obstétrical n’empêche pas le bébé de sortir…
9 août, 2012 à 12 h 22 min
Il serait bon de voir le patient comme une personne et non comme un cas et la dignité est très importante pour chacun de nous. Merci d’avoir soulevé la question
9 août, 2012 à 16 h 49 min
C’est sublime de penser quand on voit un problème: « il faudra que je fasse mieux ». C’est tellement plus simple d’accuser le système du problème pour s’en dédouaner soi-même.
Et c’est sublime d’admettre qu’on est soi-même faillible. C’est tellement plus simple de mettre ça sur le dos de la surcharge de travail, du stress, ou d’autre chose.
Je suppose qu’après le dix-millième patient ça devient difficile de se rendre compte de ce genre de détails. Mais continuez d’essayer, c’est important.
21 novembre, 2012 à 18 h 45 min
Bonjour,
je suis manipulatrice en imagerie médicale, et effectivement il y en aurait a dire sur l’absence total de respect du patient, que ce soit au sujet de l’intimité, des croyances, de l’hygiène et je n’ose même pas aborder le sujet du secret médical.
Quand on voit des radiologues qui reçoivent un patient en leur tournant le dos, dictant sans prendre une seconde pour dire au moins bonjour (au patient, le personnel ça fait longtemps qu’il n’espère plus) et ayant à l’écran affiché l’examen d’un AUTRE patient ce qui permet au patient (qui poireaute sans savoir trop si il peut/doit s’asseoir, si il est au bon endroit, et qui stresse, etc,…) de bien avoir le temps de regarder:
– les écrans: par exemple, on « reçoit » Mr Duchmol pour son IRM cérébrale en ayant affiché les images du pancréas de Mme Laplante (moi j’appelle ça prendre les gens pour des crétins, et c’est bien plus grave à mes yeux quand les images affichées montrent des pathologies énormes sur un organe et que le patient reçu vient pour le même organe parce que là il n’imagine même pas que ça ne puisse pas être son examen (et du coup ne voit pas que ce n’est pas son nom), et les patients ne sont pas débiles, ils savent de mieux en mieux comprendre les images radiologiques et c’est très bien, n’en déplaise à certains, persuadés que ça leur enlève leur « prestige »))
– bien souvent l’intérieur des salles d’examens où l’on pratique avec allégresse lavements et/ou remplissages vaginaux entre autres
– d’autres données médicales ne le concertant absolument pas: ordonnances non rangées qui traînent, résultats d’analyse et j’en passe (il règne un bordel dans ces services parfois…)
Édifiant ? Oui mais trop courant (j’estime être assez bien placée pour savoir de quoi je parle), je ne dis pas que c’est la globalité loin de là mais ils existent (et ils prennent cher en DP en plus).
Au sujet du message d’Isabelle qui dit: « Et pourquoi, pourquoi donc, dans le service de mammographie, ne ferment-ils jamais les portes ? Il faudra que j’ose leur demander un jour… » (je viens de voir la date du post, j’arrive après la course quoique non puisque c’est pareil aujourd’hui), je suis choquée et j’ai honte de ma profession parce que :
1. On ne lance pas de rayons X dans une pièce dont la porte est ouverte, c’est interdit et contraire aux règles de base de la radioprotection, les portes sont plombées, c’est pas pour rien !
2. Si ce n’est pas au moment de l’irradiation, j’imagine que c’est le schéma bien trop classique du « je vais vérifier les clichés, ne vous rhabillez pas, attendez ici je vais venir vous dire si c’est ok ou si on doit compléter / ne vous rhabillez pas, le radiologue aura besoin de vous examiner »: dans la majorité des cas, on a affaire à des patientes valides et donc capables de remettre/retirer un t-shirt en moins de 10 minutes, donc si la personne est capable de comprendre qu’elle ne doit remettre QUE son t-shirt, il est du devoir du manip de lui « permettre » de se rhabiller.
Fermer la porte étant la base des bases du respect.
Si la personne ne comprend pas ou a des grandes difficultés pour enfiler ses vêtements, on lui file une blouse ou un drap, mais on la couvre.
J’hallucine de devoir m’étendre là dessus mais bon.
Alors, juste une chose: faites vous respecter, refusez tout acte qui ne respecte pas votre intimité, et refusez de toute façon une mammographie effectuée porte ouverte, la législation est heureusement là pour ça.
Et merci à Jaddo et à la bande de soignants-écrivants qui me conforte tous les jours dans ma conception du soin, même si « à cause de vous » j’ai pour l’instant arrêté de travailler puisque on me reprochait d’être, alors, je cite: « trop exigeante niveau qualité, trop axée sur l’hygiène (oui, oui, exiger de ses collègues qu’ils nettoient au moins une fois par jour des coussins qui vont allègrement des pieds-qui-puent d’un patient à la tête du suivant c’est être « trop » maniaque), de travailler « trop » bien et donc du coup de ne pas être assez « rentable ».
J’ai tout de même rappelé que ce n’était pas dans mon décret de compétences et qu’avant tout j’étais soignante, il parait que non, nous serions des « prestataires de services »…
J’en passe et des pires, le hors-sujet est déjà bien avancé…
Donc, pour parodier « quelqu’un »: tu fais chier Jaddo !!
22 novembre, 2012 à 14 h 33 min
Sinon, parmi les milles et un exemples rigolos: pendant mon accouchement, l’obstétricien de service, pas de bonne humeur, lorsque la sage-femme (infirmière?) lui demande de venir vérifier au truc, entre en claquant la porte (si si c’est possib!), me met la main au cul sans me regarder ailleurs ni dire bonjour, se retourne vers l’infirmière (la sage-femme?) pour lui grommeler un truc, repart en claquant la porte. Je demande « il est toujours comme ça? »; la dame me répond, rassurante: « sa garde est bientôt terminée ».
22 novembre, 2012 à 18 h 10 min
Pfff… mais non Cricri, nous ne sommes pas des prestataires de services.
J’ai appris récemment ( depuis que je suis moitié hospitalier ) que je n’étais plus Docteur, mais »producteur de soins » :
Moralité, depuis je me la pète et j’ai demandé à la surveillante du service ( pardon, la »cadre de santé » ) de coudre ça sur ma blouse ( Oui,je sais, je suis resté très simple et entretiens des rapports plutôt bon-enfant avec ma cadre… )
Bon sinon, c’est vrai : fait chier Jaddo !
les vacances, les petits fours, les coktails , c’est fini !
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7 décembre, 2013 à 8 h 14 min
[…] qui un jour se sont dit, pendant leurs études,( ou après), des mots qui ressemblaient à “N’oublie pas, n’oublie pas, n’oublie pas“. (Voir par exemple ce billet de Dr Borée sur la pétition pour des chemises […]
7 décembre, 2013 à 8 h 16 min
[…] écrivant ces quelques lignes, je pense à un billet de JADDO, dans lequel elle se souvient, étudiante, après avoir été témoin d’une […]
8 décembre, 2013 à 23 h 54 min
Je pourrais malheureusement, moi aussi, écrire des pages sur ce sujet. Entre le Docteur qui m’annonce avec un grand sourire « tout va bien maintenant, le Beta est descendu », après une fausse couche (alors qu’un second embryon se baladait encore entre une trompe et un ovaire) et l’Anesthésiste, qui, juste avant de me planter une aiguille dans la moelle épinière, me dit « ça fait 24 heures que je suis de garde, vous êtes ma dernière patiente », le pire restera à tout jamais gravé dans ma mémoire, il y a quelques années, pendant un ultra son gynécologique. J’étais avec la technicienne, quand tout à coup, une Docteur est rentrée dans la salle pour chercher des documents. Je ne l’avais jamais vue de ma vie, elle ne me connaissait pas et ne savait rien de mon cas. Elle s’est penchée sur mes résultats, m’a demandée combien j’avais d’enfants . Je lui ai dit que je n’en avais pas et elle m’a répondu : « et bien vous n’en aurez jamais ! » Et elle est partie.
J’ai depuis eu deux magnifiques filles.
25 avril, 2016 à 0 h 06 min
en tant que patiente, j’ai experimente des cabinets medicaux dans differents pays.
eh bien figurez-vous que la pudeur des patientes est tellement mieux respectee au Japon que j’avais le sentiment d’etre une exhibitionniste.
comme quoi, c’est aussi une question de pratiques issues de la culture.
on ne demande pas aux gens de se deshabiller. ou alors juste de soulever, relever, baisser un peu tel ou tel vetement.
une assistante medicale est meme la pour tendre ou poser une serviette, non pas seulement pour cacher de la peau nue, parfois aussi pour cacher un bout de sous-vetement.